Le morceau joué:

Jeff sifflotait dans les couloirs en faisant tourner le fil d'un yoyo autour de son index. Les quelques élèves qu'il croisait sur son chemin le regardait avec méfiance tout en s'écartant, tandis que lui leur répondait d'un grand sourire et d'un regard qui disait "Hé, what's up?".
Le prof n'avait pas cours avant au moins une demie-heure (quarante minutes si l'on comptait le fait qu'il arrivait toujours en retard) et flânait jusqu'aux toilettes réservées aux enseignants.
Il tourna à droite et entendit un air de piano s'échappant d'une des salles de classes voisines. Jeff s'approcha de la porte ouverte. Une femme, qu'il reconnu comme étant une de ses collègues -une de celles qu'il inviterait bien au restaurant d'ailleurs- pianotait un clavier tandis qu'un jeune homme, que Jeff se souvenait vaguement avoir déjà vu -sa mémoire n'était pas la meilleure-, grignotait des graines de tournesol. C'était là les deux seules personnes présentes dans la salle. Est-ce un cours individuel ? Jeff n'en savait rien et ne se posait généralement pas ce genre de questions. Il s'agissait de musique, il s'arrêtait pour écouter.
Jeff s'adossa donc au montant de la porte.
"Pas mal !", lança-t-il à l'intention de la pianiste tout en remontant son yoyo.
Le fil s'emmêla, s'empêtrant autour des doigts du prof qui le secoua en vain avant de fourrer sa main dans sa poche.

Deux mots avaient suffit à arrêter toute la salle. Bon, ok, ils n'étaient donc que deux à squatter cette salle de cours, mais Jeff était content de son effet. La nana l'avait remercié et le gars l'avait salué. C'était tout bon jusque là, non ?

"Salut !, répondit le prof de musique. Cours particulier ?"
La question était stupide -et Jeff se l'était finalement posée- : il suffisait de bien observer la scène pour voir que, non, ce n'était pas un cours particulier qui se tramait-là. Ou alors la prof n'enseignait rien et l'élève était particulièrement dissipé. Mais Jeff n'était pas très observateur.
"Parce qu'il y a 'pas mal' et 'pas mal', hein", continua-t-il avec un ton critique.
Ouais, fallait pas non plus que la nana s'emballe. Elle était jolie, mais ça restait de la musique bonne pour un fond sonore de série télé ce qu'elle pianotait. Pas de la "vraie" musique aux yeux du prof rock'n'roller.