Maximilien entra dans la bibliothèque avait l'air un peu timide qu'il avait constamment. Enfin constamment... du moins lorsqu'il était étudiant.

Max de son (vrai?) nom, était en fait un espion se faisant passer pour un étudiant du College communautaire d'Uptown. Il était aisé de voir qu'il n'avait pas les 23 ans qu'il prétendait avoir sous sa casquette multicolore portée à l'envers. Mais nous étions à Uptown, de plus dans un College communautaire où un quarantenaire pouvait se faire passer pour un étudiant de 23 ans sans que la plupart ne s'étonne. Bref, tout allait bien.

Max chercha des yeux quelque-chose. Ou quelqu'un. Qu'il trouva un peu plus loin. Il s'en approcha, un épais livre serré à deux mains contre sa poitrine, comme pour rendre plus crédible son rôle d'étudiant, timide et studieux.
Sa cible était assise tranquillement quand Max se plaça à ses côtés.

"Excuses-moi, engagea-t-il d'une voix étrangement éraillée. Je cherche l'ouvrage Histoire de La Pomme de Terre: Traitée Aux Points de Vue Historique, Biologique, Pathologique, Cultural Et Utilitaire, d'Ernest Roze, en version brochée et si possible en édition d'origine."

De ? What? Kestkispasse ? Max ne s'était pas attendu à ce qu'on lui réponde que le livre était déjà pris et encore moins à recevoir une réponse aussi détaillée sur un sujet qu'il avait choisis presque au hasard en se disant que personne ne pourrait lui répondre et qu'il aurait, une chose en entraînant une autre dans le plan qu'il avait imaginé, eu accès à la liste des archives de la bibliothèque. Ce que Max ne savait pas -outre le fait qu'il était un très mauvais espion-, était que la liste des archives en question se trouvait en libre consultation sur le site web du College communautaire.
Ce fut donc tout penaud et ne sachant plus quoi faire, plus quoi dire, que le petit Max, qui commençait à suer sur ses bouquins, prit place à la table de son interlocuteur.

Celui-ci se révéla être un des profs du College communautaire. Prof de quoi, Max n'en savait rien et se doutait bien qu'il n'y avait pas de cours sur les pommes de terre. Encore une fois, il était bien mal renseigné !
Le prof avait l'air vraiment intelligent à en voir toutes les fiches étalées sur la table. L'espion essaya d'en mémoriser le plus possible aussi rapidement que le prof lui posa une question.
"Je... euh... balbutia Max. Je suis dans le cours de... euh... ce vieux monsieur, celui avec les lunettes... Veuillez m'excuser, je suis très mauvais avec les noms."
Si la première partie de la réponse était un mensonge, la seconde n'était que pure vérité. Et Max espérait que le mensonge teinté de vérité passe ; après tout, il devait bien y avoir un vieil enseignant quelque part ici.
"Mais euh..., continua le prétendu étudiant avec un peu plus de confiance, qu'est-ce que vous enseignez, au juste ?"
A peine terminé sa phrase, Max porta une main à sa casquette pour la réajuster et comme pour montrer que la remarque du prof sur sa tenue vestimentaire l'avait touché.

Si on lui parlait comme à un gamin, Max se sentait comme un gamin ; dans sa tête il avait sept ans, même si en vrai il en avait quarante et des balais. Une fois, il s'était d'ailleurs brûlé avec la cire d'une bougie, bien que sa maman l'ait mise en garde avant qu'il ne joue avec. L'accident datait de l'an passé.

Toujours fut-il que son interlocuteur renvoyait l'image d'une figure paternelle, protectrice et bienveillante, qui savait beaucoup de choses et ne se laisser pas désarçonner. Au contraire de Max qui se recroquevillait de nouveau sur lui-même comme un chiot craintif.

Au moins, l'espion avait visé juste avec le vieux prof de la discipline non-nommée. Sa couverture d'étudiant était donc intacte. Et son esprit d'espion devait se ressaisir au plus vite : le prof commençait à lui livrer des infos intéressantes. Qu'il avait carte blanche avec le Doyen par exemple. Et qu'il connaissait le Doyen donc ! Ah ah ! Et qu'il était aussi prof de communication, ce qui expliquait ses belles paroles.

Max notait mentalement toutes ces informations tout en ingérant les mots de son interlocuteur quand vint la question à 10 000 dollars : "Qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ?"
Max avait envie de disparaître sous sa casquette. Il n'avait jamais su que répondre à cette question lorsqu'il était petit et la carrière d'espion s'était imposée à lui comme l'on fait manger des marshmallow à un saumon : par hasard et bien étrangement. Mais ceci était une autre histoire.
Max se devait donc de fournir une réponse. De préférence plausible. A l'école d'espionnage, il avait été le meilleur de sa classe au cours d'improvisation... improvisée. En gros, l'homme savait se sortir de toutes les situations, mais avec un léger train de retard. C'est ainsi qu'il commença par répondre d'un très long "Euh..." qui lui donna plus de temps pour réfléchir. Le "Euh..." s'éternisa.
"Prof !, sorti-t-il enfin après tout ce suspens. Prof, de communication !!"
C'était sa victoire, sa meilleure échappée à une situation des plus difficiles ! Max en était tout sourire.

Max avait donc visé juste et la récompense de sa victoire était un prof tout aussi souriant et excité que lui. A croire que les deux hommes s'étaient bien trouvés !

L'espion prit le papier que l'enseignant lui tendait et s'apprêtait à le mémoriser -ce qu'il faisait avec la plupart des documents, y compris les journaux de pub de sa boîte au lettres, ce qui s'avérait bien pratique une fois au supermarché pour se rappeler des promotions-, quand il se rendit compte que l'acte était inutile : le papier était sien. Il examina cependant avec attention ce qui allait devenir sa nouvelle occupation principale. Il y avait un emploi du temps -qu'il mémorisa, par habitude-, des notes sur d'autres cours -qu'il mémorisa aussi-, et des infos sur des stratégies complexes et bien organisées -qu'il mémorisa aussi, toujours par habitude, avant de se souvenir qu'il n'avait pas besoin de le faire et l'effaça donc de sa mémoire. Le tout était intéressant et Max voyait de suite le potentiel d'un tel document : l'aider à faire tomber amoureux la fille du cours d'anatomie. Ah mais pas de lui hein !, d'un autre de ses camarades, parce que ce dernier lui avait demandé de l'aide et que Max y voyait une bonne occasion d'obtenir des infos confidentielles. Sur quel sujet ? il ne le savait pas encore, mais il y avait toujours des infos confidentielles à obtenir. Même si, bien souvent, l'espion passait à côté.

"Merci, répondit Max. Pour la feuille."
Le prof avait continué pendant que Max s'était penché sur le papier et lui avait proposé de devenir son assistent.
"Et j'ai de la patience, continua l'espion à casquette. Et de la persévérance ! Oh oui, ça j'en ai de la persévérance ! Quand j'avais cinq ans, j'ai attendu toute une nuit le Père Noël. Il n'est jamais venu... Mais je n'ai rien lâche ! L'année suivante, je l'ai encore attendu, et l'année d'après, et l'année d'après : j'ai persévéré ! Jusqu'au jour où l'on m'a dit que la nuit de noël n'était pas en avril... Mais j'ai rien lâché pour autant et je continue de l'attendre le même soir, tous les ans, le Père Noël !"
Max fit une pause dans son incroyable histoire. Lui, pourtant doué pour les bobards -indispensables dans son métier d'espion-, avait raconté une histoire vraie !
"Et je suis prêt, oh oui, plus que prêt ! à suivre tous vos cours et à être votre assistent Monsieur... Monsieur..."
Max chercha un indice sur la feuille, des fois que. Il était en général doué pour trouver des indices. Enfin aussi doué que pour le reste quoi.
"...Iligran ?", tenta-t-il en relevant sa tête du papier.