Comme un air de guitare - LIBRE !

BROUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING !

L'accord résonna dans tout l'amphi désert. Jeff s'y était glissé au moment de la pause -well, au moment où la majorité des autres professeurs prenaient leur pause-, avait branché sa guitare et s'offrait maintenant un petit solo improvisé avant son prochain cours. Et il ne souciait en rien du fait que la musique s'échappait jusque dans le couloir, ni qu'une oreille de passage pouvait l'attraper...

La pause déjeuner, ou, le moment parfait pour draguer les jolies filles de l’université. Comme à son habitude, le professeur d’expression allait mettre ses compétences à profit, persuadé d’arriver enfin à récupérer le saint graal : un numéro de téléphone.

Pas tout à fait un looser, mais, un peu quand même, Bilagáana avait toujours l’impression qu’aujourd’hui allait être différent, que c’était maintenant son tour de briller. Sauf que le monde, lui, n’avait pas décidé de tourner à l’envers, dommage pour lui. Et, les vents étaient si nombreux en cette journée ensoleillée, qu'il aurait presque pu attraper un rhume.

Second plan, à défaut de continuer à arpenter les couloirs, ses roses à la main et son magnifique T-shit : « Quelle chanceuse, tu vas pouvoir profiter de cette beauté fatale toute la nuit ! » le jeune homme décida, comme à chaque fois, d’aller tranquillement s’installer dans un amphi vide. Pour avoir assez de place pour entreposer son égo, probablement.

Son sandwich triangle au bord des lèvres, il applaudit son camarade qui s’était lancé dans un solo endiablé. Peut-être que celui-ci ne l’avait pas vu en entrant, pour autant, il était bien là, depuis le début, entre deux chaises et le corps assez penché pour le cacher entièrement de la vue des passants. Les élèves, ça ne se côtoient que pour la drague et les cours, sinon, il vaut mieux se faire discret ! Un sage conseil qui lui venait de son adolescence, où sa taille lui avait servi à rester le plus éloigné des conflits.

— Mon gars, t’es super bon. T’envoie de la patate. Je n’ai jamais entendu un truc pareil, et, crois-moi, je connais du monde dans le business pourtant !

Toujours pétillant et de bonne humeur, même malgré les déceptions de la demi-heure passée, le petit homme s’avança, dodelinant des fesses pour aller voir son camarade, qui était fièrement placé sur la scène.

— C’est drôle mec, mais ton visage me rappelle celui d’une star. Un acteur-chanteur, quelque chose comme ça, qu’était pas mauvais du tout, hein. Vu comment tu fais bouger tes doigts de fée sur cette machine de rêve, je me dis que le succès va pas tarder à arriver pour toi, aussi. Tu ne me connais pas encore, mais, et c’est pas des salades, tu viens de faire la meilleure rencontre de ta vie ! Je sens quelque chose entre nous, un éclair, une tension presque sexuelle, comme une âme sœur musicale sans tout le bordel homosexuel qui va avec. C’est ouf. Tu ne crois pas qu'on devrait en faire un truc, avant que ça parte, hein ?

Jeff ! Encore lui, ça ne pouvait être que lui ! Chaque fois que c'était la pause déjeuner, que vous le vouliez ou pas, vous aviez droit à un concert de rock improviser, à chaque passage dans les couloirs et même au-dehors !

Ce n'est pas que John n'aimait pas le rock en lui même, mais tous dépends du genre de rock. Il au grand brun de faire quelques petit rift comme ça, chez lui, s'étant assuré d'avoir insonorisé son garage. Cependant, tout dépendait du rock... Celui de Jeff était particulier, c'était vraiment du rock, comme des roc à la tête !

Pouvait-il l'en empêcher ? Mmmh non. De toute façon ce ne serait pas sympa, il n'est que dans l'amphi, et n'embête personne. Sauf qu'aujourd'hui, c'était différent, ce qu'il entendait n'était pas si mal, alors il s'est approcher.
Effectivement, entrant se tenant debout devant l'entrée de l'amphithéâtre, ce n'était pas si mal, jusqu'à ce que Mr.Khedekar ouvre la bouche...

Arquant un sourcil d'étonnement, il 'écouta lui aussi jusqu'au bout... Pourquoi s'était-il infliger ça ? La bouche un peu ouverte comme-ci il tentait de parler sans que ça sorte, comme hébétée par toute les bêtises que celui-ci avait pu sortir en une seule fois ! Professeur de communication et expression... Oui, bien-sûr, et lui il était professeur de danse classique pour poney.

Victoria avait passé des heures à choisir sa tenue pour faire sa rentrée, sous l’œil dubitatif et les moqueries de son mari. Tailleur BCBG ? Jean et baskets ? Jupe ? Décolleté ? Sweat-shirt ? Elle ne voulait pas avoir l'air trop chic, mais à 42 ans et trois enfants, elle ne pouvait décemment pas s'habiller comme une écolière. Une chose était sûre, elle voulait être jolie. Fini le temps où elle n'avait pas le temps d'enfiler autre chose qu'un survêt' et un t-shirt dégueulasse parce qu'il fallait emmener les enfants à l'école, rentrer faire le ménage, le repas, les courses, le linge et tous ces trucs qui lui donnaient l'impression d'avoir cessé d'être une femme pour devenir une bonniche. Elle ne se souvenait plus à quel moment son mari avait cessé de la désirer jusqu'à ne plus la toucher que par mégarde.

Faisant fi de ses moqueries à lui et de ses angoisses à elle, elle avait opté pour un jean moulant, un top noir à col bénitier et une petite veste beige qui lui donnait une allure élégante mais décontractée. Elle avait même ressorti ses escarpins. Après tout, avant de tomber enceinte, elle avait failli être reine du bal.

C'est un peu stressée que Victoria arpente les couloirs du collège. Ses cahiers serrés contre elle, elle a peur d'arriver en retard à son premier cours. Elle se hâte, scrutant la porte de chaque salle devant laquelle elle passe. Une boule lui noue le ventre. Paniquée, elle finit par entrer dans une salle au hasard. C'est un grand amphithéâtre au sol rouge. La salle est vide, hormis trois hommes à des endroits bien distincts. Affreusement gênée, Victoria bafouille :

Je vous prie de m'excuser. Je croyais que c'était le... cours de littérature scandinave pour débutants et... fans de Zlatan. Je... je crois que je me suis trompée. Pardon... vraiment je... Excusez-moi de vous avoir dérangés, messieurs, je...

Le visage empourpré et continuant de s'excuser, Victoria fait un pas en arrière en direction de la sortie.

Alors que la rock star, et son semblant d'agent piaillait gaiement, une blonde entra dans l'Amphi. Pas assez proche pour distinguer précisément sa tranche d'âge, il déduisit par le port de multiple cahier, sa gêne, et ses vêtement dynamique mais sobre, que c'était une élève entre 20 et 30 ans.
La confirmation vint aussitôt de la bouche de celle-ci : Elle cherchait un cours particulier mais avait fait une erreur de salle.

Confuse, la jeune s'en allait penaude. Une bonne excuse pour John, de s'extirper de l'amphi aussitôt après y être entré. Il couru alors pour rattraper la jeune femme blonde et l'interpella avant qu'elle ne sorte :

-*Mains en l'air* Mademoiselle, attendait !

Arriver près d'elle, il se présente :

-*Dans un sourire rassurant, il lui tends la main* Bonjour, je m'appel John PRIME. Je suis professeur de ce qu'on appel ici *Il a toujours envie de rire quand il le dit, m'enfin* Hum... Ass-kicking et maîtrise de soi.

En fait, c'était bien une belle blonde, aux yeux bleux, très jolie... Et très marier aussi. Allez entre 30 et 35 ans ?

En moins de cinq minutes, Jeff s'était senti dépassé. Un gars était entré et avait commencé à lui faire, de ce que le musicien avait capté, des propositions indécentes. Puis un autre était arrivé -sur quoi Jeff avait levé un sourcil en se demandant si c'était pour tourner un film pour adultes ou une caméra cachée-, puis une étudiante annonçant s'être trompée de salle -sur quoi Jeff hocha de la tête en se disant que oui, c'était bien l'option du film pour adultes.
Suite à quoi l'étudiante quitta la salle comme elle était venue -en escarpins-, vite suivie par le second gars.

Jeff se retrouva donc avec celui qui l'avait amplement complimenté.
Il adopta une expression de poisson-étonné-bouche grande ouverte tout en levant un sourcil et pointant du doigt la double porte de l'amphi.
"Euh... c'était quoi ça ?", demanda-t-il à son interlocuteur avant de secouer sa caboche pour remettre ses idées en place.
"Jeff Iligran", se présenta-t-il alors en tendant une main bienveillante, celle qui ne tenait pas sa guitare.

Dans la tête du prof de musique, son interlocuteur était agent artistique, ou un truc comme ça. Toujours d'après ce que Jeff avait pigé. Son domaine d'action... well, encore une fois, Jeff avait cru comprendre que ça relevait des œuvres visuelles interdites aux mineurs -c'est que le gars parlait plutôt vite. D'où le fait qu'il continua en disant, d'un ton plus bas, comme dans la confidence :
"Je fais pas avec les hommes. C'est pas mon truc."
L'expression presque dégoûtée sur laquelle il termina sa phrase en disait pas mal.

Bilagáana se retourna rapidement, pour voir ce qui avait interloqué son nouveau meilleur ami. Un homme était là, Mr. Prime, avec qui il avait le projet de faire un cours en commun. Le double Indien leva la main en guise de salutation, et l’agita avec entrain à l’arrivée de l’élève, qui, gênée, sortit prestement. Le professeur de maitrise de soi se précipita à sa suite, en donnant l’impression, paradoxalement, de ne plus vraiment être maitre de ses propres émotions.

— S’il la choppe, c’est que je ne comprends vraiment rien à la nature féminine !

Il sera ensuite la main du guitariste et lui souffla son nom, ajoutant une ou deux syllabes supplémentaires, avant de prendre un air un peu choqué, en entendant la dernière réplique de son interlocuteur.

— Je dis toujours qu’il ne faut jamais être aussi catégorique sur ce genre de chose mais, ce n’est pas de ça dont je parle ! Je t’assure que je ne suis pas là pour te mettre dans mon lit ou quoi. Bien que, et je te le dis sans bobard, tu m’as déjà fait jouir trois fois. J’ai tellement fréquenté le septième ciel dans les dernières minutes, que Dieu est en train de me construire un ascenseur ! Héhé !

Le jeune homme claqua des doigts, fier de sa propre blague avant de reprendre un air un peu plus sérieux. Il ne s’agissait vraiment pas d’emballer Jeff, après tout, et il fallait bien remettre les choses à plat :

— Ce que je veux te dire, c’est que je sens que tu as de l’avenir. Depuis tout petit, j’ai toujours voulu jouer dans un groupe, apprendre à jouer d’un instrument et tout. Mon père voulait que je fasse du violon d’ailleurs, mais, trop compliqué. J’ai tenté la guitare et j’ai vite arrêté, je tiens beaucoup trop à mes petits doigts pour me les érafler sur des cordes aussi dures.

Il respira un grand coup, lâcha la pression, en soufflant plus que de raison. Ayant repris ses esprits, loin de la douleur de ces terribles souvenirs du passé, il reprit une nouvelle fois la parole, pour résumer ses pensées.

— En gros, je veux que tu m’apprennes à jouer d’un truc. Je veux t’accompagner dans ton ascension vers le succès !

La gêne de Victoria grandit encore quand un des hommes la rejoint. Elle rougit de plus belle et bafouille. Elle serre la main qu'il lui tend. Sa beauté virile la trouble tant qu'elle oublie de retirer sa main. Elle le fixe, hébétée, incapable de détacher son regard de ce visage magnifique.

"Enchantée professeur. Je suis Victoria Cunningham. Je reprends mes études après... Enfin... Ass-kicking ? Je ne connais pas cette discipline. Mon époux a réussi grâce au ass-kissing. Ça a un rapport ?"

En quittant la salle, Victoria espère prolonger sa conversation avec le beau professeur, sentant confusément l'envie de se faire ass-kicker par le maître de la discipline. Elle lui sourit et le suit, sans même un dernier regard pour les deux autres hommes, beaucoup moins séduisants que John... John comment déjà ?

Hmmm est-ce que c'était de l'humour ? Oui, mais le truc de ne pas lui rendre sa main, ça... En plus, il a une impression bizarre, peut-être à cause de la façon dont elle est le regarde

-*Surpris* Ass-kissing, vous dîtes ? Euh... Non, je n'crois pas non. Mais vous pouvez juste m'appeler John.

Ce regard, malgré-lui John l'avait reconnu, c'était le même que celui des jeunes, et parfois même d'adolescente. Ce genre de fille qui te font un salut timide devant leur copine, et qui, si tu ose leur répondre, manque de s'évanouir... John à ce moment présent, se sentait plus pâtisserie que professeur.

Une fois sortie, juste derrière la porte, après repris contenance :

- Hum, il me semble que vous cherchiez un cours : Celui de... Hum... littérature scandinave pour débutants ! Je peux vous y amenez si vous le souhaitez ?

Non John, tu sais bien que ça ne fera qu'envenimé la situation. Ah cette saleté de caractère de Saint-Bernard... Et puis, que ne ferait-on pas pour une aussi belle jeune femme... MARIER ! Marier... Détails à ne surtout pas oublier... Même si d'après son dernier commentaire sur celui-ci... NON ! C'est pas ton problème John, c'est pas ton problème ! Sinon ça risque d'en devenir un...

Devant l'air gêné du professeur, Victoria se ressaisit et retire vivement sa main. Elle rougit et resserre ses cahiers contre elle, comme un rempart, un bouclier contre la honte et le trouble. Elle sourit maladroitement et remet une mèche de cheveux en place pour se donner une contenance.

"Je... Vous êtes professeur et je suis élève. Les convenances exigent que je vous appelle "Monsieur". Je me sentirais bien trop honteuse de me montrer si familière."

Un flash d'elle à quatre pattes en train de lui donner du "Monsieur" pendant qu'il lui donne une fessée lui traverse brièvement l'esprit. Elle rougit et se détourne.

"Je cherche effectivement le cours de littérature scandinave pour débutants et fans de Zlatan. Mais ne vous dérangez pas, je vais me débrouiller. Je vous ai fait perdre bien assez de temps, Professeur. Au revoir, Monsieur... Monsieur le professeur."

Victoria tend la main à John pour le saluer, puis, se souvenant de la mésaventure de l'instant d'avant, elle la retire aussi vite. Elle se trouve ridicule de se comporter ainsi, comme une midinette devant le capitaine de l'équipe de foot. Elle qui est mariée et mère de trois enfants, qui attache une importance capitale à l'étiquette et aux convenances, se retrouve à bafouiller devant un professeur un peu trop beau. Les flash torrides qu'elle a à son sujet la rendent à la fois confuse et troublée.

Effectivement, le grand avait oublier ce détails : les convenances. Alors il s'excusa :

-*Toujours aussi gêner* Oh... Excusez-moi, je... Vous avez raison Mme.Cunningham.

Quand soudainement, en la regardant, ses soupçons sur la dame devirent plus concret : cette rougeur au joue, les pupilles dilatées... C'est à dire qu'à ce moment précis, elle n'avait certainement pas penser à quelques chose de très "catholique"... La jeune femme détournant le visage, il baisse lui aussi la tête... Situation plus qu’embarrassante.

En effet, elle cherchait le fameux cours de littérature... Ou est-ce que c'était juste pour "fans de Zlatan" plutôt... En temps normal, John aurait insisté pour l'y conduire, mais : quand une femme mariée, se mets à bafouiller devant vous, en devenant rouge comme une tomate, à la manière d'une jeune adolescente... Euh, c'est pas très bon signe.

- Hum... Oui. Non, c'est l'heure du déjeuner, j'ai tous mon temps, enfin je... Hum... Oui. Au revoir, Madame.

Elle avait oublier son nom, si vite ? Pas grave, ça rendra service à la blonde, de ne pas se souvenir du nom du gars, sur lequel elle semblait avoir fantasmé... Peut-être que John se faisait des idées. Ou alors les bêtises que Bilagàra... Bilanana... lui avait déjà déranger le cerveau ! Dire qu'il allait falloir diriger un cours avec lui... Alors, retour à l'Amphi ou errer dans le couloir ?

Surtout pas l'Amphi ! Il avait déjà que trop subit l'influence néfaste de Bil... Biga... De BILL ! Alors il attends que la blonde épouser soit un peu plus loin, et il s'éclipse dans le couloir, en sens inverse, fissa !

"Aaaaaaah !" Jeff poussa un grand "Aaaaaaah !" de soulagement tout en adoptant brièvement une posture qui en disant tout autant : jambes fléchies et bras grands ouverts. "Tu parlais musique ! Il fallait le dire tout de suite !"

Même si un truc un peu salace ne lui aurait pas déplu, le prof était bien content qu'on lui parle de son avenir musical. Il posa sa guitare avec précaution le long du bureau puis s'assit sur le coin de celui-ci, les mains croisées sur la cuisse.

"Alors comme ça tu veux que je t'apprennes à jouer ? Je suis pas prof de musique.. Attends ! j'le suis !, s'enthousiasma Jeff en plaisantant -plaisantait-il vraiment ?. Hum, tu connais le solfège ? T'as toutes les bases ? Le violon c'est pour les intellos, t'as bien fait d'arrêter. Nan, il te faut un truc comme, comme..."
Jeff claqua des doigts tout en réfléchissant, le regard détourné vers le mur.
"C'est quoi ton nom déjà ?, demanda-t-il en revenant vers son interlocuteur. Bilougana ? J'peux t'appeler 'Bilou' ? Bilou, tu penses vraiment que je suis sur la bonne route ? J'veux dire la voie du succès ? Parce que j'ai un groupe tu vois. 'Les Méninistes". Non, 'Les Filous Flatteurs' ! On se produit pas mal de ci de là, on a un bon public de fans et de fidèles, tu vois le genre.."
Clin d’œil en direction e son nouvel ami. Jeff faisait allusion aux deux gars qui leur prêtaient à chaque fois la sono et restaient cinq minutes pour les écouter. Ce qui mine de rien constituait une base de fidèles fans pas trop mal pour un groupe qui avait fait un tournée dans les trois des centres commerciaux de la région.
"Tiens !, continua un Jeff avec des élans d’enthousiasme. On cherche un nouveau membre ! Tu joues d'un truc ? J'adore ton style, ton enthousiasme. Et ta tchatche ça nous donnerait un gros coup de pousse !"

Le quiproquo résolu, la situation paru d'un coup bien moins conflictuelle, et Jeff semblait s'emballer pour l'idée de Bilagáana, ce qui n'était pas pour lui déplaire, puisque le petit bonhomme avait tout à y gagner. Par chance, le musicien était en plus un professeur confirmé !

— Ouais, je connais les bases quoi, mais, ça fait longtemps, va falloir que je rafraichisse tout ça.

Aussi lunatique que son interlocuteur, le guitariste sembla se perdre dans ses pensées, à la recherche d'un instrument que l’Expressionniste (Notons que ce mot n'a aucun sens dans ce contexte, pour autant, on comprend de qui on parle et ça fait plutôt joli, expression à conserver donc.) pourrait maîtriser avec efficacité.

— Tu peux m’appeler comme tu veux, mec ! À partir du moment où je peux t'accompagner jusqu'en haut ! Ça me fait plaisir d'avoir fait ta rencontre, notre discussion respire les bonnes vagues, les bonnes vibes, tu vois le truc ?

L'Indien semblait surexcité, à la manière d'un petit lutin qui tenterait de creuser le sol, en sautant d'un pied à l'autre, le sourire aux lèvres.

— Je suis encore un peu bidon, donc, on ne peut pas dire que je joue de grand chose pour le moment. Mais, je suis le genre de personne à pouvoir apprendre très vite, et, avec un moniteur qui joue aussi bien, je ne peux qu'atteindre l'excellence, non ? Je ne sais pas si tu le sais, je suis aussi enseignant ici : je m'occupe de tout ce qui tourne autour de l'expression, du langage corporel et de la mise en valeur de soi. En échange de tes petits cours, si tu veux de mes services, je suis grave partant pour gérer la publicité de ton groupe, le look et les présentations auprès des salles de concert et des, peut-être, partenaires ! Un peu comme un manager, qui serait aussi un membre important du groupe, doublé d'un beau gosse comme jamais-vu !

Bilagáana voyait déjà son nom sur une affiche gigantesque, en compagnie, bien entendu, de ses Bilagáanettes.

"Nan mec, j'y crois pas !"
Jeff n'y croyait pas : en plus d'être super sympa, de dégager une énergie folle et, disons-le, d'être beau gosse, Bilou était en plus manager ! Enfin prêt à jouer les manageurs. Et prof au College communautaire ! Si c'était pas incroyable !
"T'es prof ici ? Mais pourquoi on s'est pas croisés plus tôt, hein !?", demanda un Jeff des plus excités.
En fait, les deux hommes avaient déjà bien dû se croiser en salle des profs et entre deux amphis, mais Jeff ne prêtait pas attention à ces choses-là.
"Tu crois au Destin, Bilou ? Le Destin avec un grand 'D' ? -Oh ! Nouveau nom du groupe !, interrompit Jeff avec lui-même. Parce que je sais pas si c'est le Destin qui nous a réuni, mais c'est un peu le Destin quand même tu crois pas ! Manager, mec ! Les autres vont être comme des fous. Bienvenue dans l'équipe !"
Jeff alla serrer la main de son nouveau manager, en grand sourire aux lèvres, tout en lui apposant une main sur l'épaule de circonstance.
"Et nouveau membre, ajouta-t-il. Of course nouveau membre ! Écoute, pour l'instrument on va pas se prendre la tête, hein ! C'est pas le plus important, hé hé ! Tu sais que dans la salle 302, au deuxième étage, y'a plein d'instruments ? Batteries, guitares, violons et j'en passe. Même un trombone ! Un trombone ! Sérieux, qui joue du trombone, hein ? Mais bref, t'as qu'à y faire un tour un de ces quatre, essayer un peu ce qui peut te convenir : batteries, guitares, ... Prends ce qui te fait plaisir ! Comme je dis toujours à mes élèves : 'Quand on a dix doigts, on peut tout apprendre !'"
Jeff avait ponctuait sa dernière phrase d'un classy-jazzy geste des mains montrant ses dix doigts.
"C'est pour ça qu'Emilie n'est pas restée dans mon cours..., continua-t-il avec une pointe de tristesse en secouant la tête. Tu sais, celle qui a un petit doigt en moins."
Puis le prof retrouva son enthousiasme :
"Tu me tiens au courant, Bilou, on fait comme ça ? Ou tu veux qu'on voit maintenant ?"
Jeff regarda sa montre.
"Mon prochain cours est dans vingt-minutes mais bouah, ils ont l'habitude d'attendre", termina l'un des profs les plus faignant du College communautaire. Et pour dire, l'on était à Uptown !

— Ouais ! Je suis prof ! C'est vrai que c'est bizarre quand même, ça fait un petit moment que j'enseigne ici pourtant !

Visiblement, les deux bonhommes se donnaient mutuellement de l'énergie. Deux piles électriques autonomes, presque une solution contre les énergies fossiles. Bilagáana était donc devenu officiellement le nouveau membre du groupe de Jeff, qui venait subitement de changer de nom d'ailleurs, c'était manifestement une très bonne journée pour le duo !

— Je pense que j'irai faire un tour une autre fois, j'ai un cours qui commence bientôt et il ne faut pas que je sois retard. Tu sais ce que c'est de devoir toujours être à l'heure, être assidu, c'est un peu notre boulot, héhé ! Toujours présent et en avance !

Bien entendu, le petit indien ne connaissait pas suffisamment la réputation de Jeff pour savoir que, pour lui, ce n'était manifestement pas une des qualités intrinsèques à la profession. Et sa réponse lui fit se poser quelques questions, mais, il avait déjà pris sa décision et le jeune homme se mit en route. Pour sûr, il allait recontacter son nouveau copain dès que possible !

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