— Le seul qui semble augmenter les décibels, monsieur, c'est vous. Mon ton était très courtois et l'est encore. Je vous prie cependant de faire attention au vôtre : sous-prétexte que vous êtes en position de force, ça ne vous laisse cependant pas le droit de m'adresser la parole de cette manière. Et, de la même façon que vous le faites remarquer, je ne le laisserai pas passer non plus. Changez donc d'intonation, pour ne pas vous ridiculiser davantage. L'adultère n'est pas un crime, je ne suis donc coupable de rien du tout. L'affaire est close. N'oubliez pas que nous sommes là pour distribuer des biens et que vous devez le faire avec une impartialité catégorique. Ce qui n'est pas le cas ici présent. À défaut, si un comportement de ce genre se déroule de nouveau, je ferai en sorte de quitter ce cirque, pour finir par faire appel de votre simili de décision plus tard. Cela ne me dérange pas, j'ai le bras aussi long que vous avez le sang chaud, votre honneur.

Inversion de pouvoir. John avait fait une erreur stratégique en embrayant avec tant de violence. Pas de vendetta personnelle, seulement un retour des forces logiques. Il n'a pas été impoli, n'avait pas eu une expression plus forte ou intimidante, il ne méritait donc pas de subir le courroux du juge.

— Il est idiot de croire que tout vient de moi, et que tout est de ma faute. D'ailleurs, je vous prie d'éviter de faire les yeux doux à mon ex-femme, c'est indécent et ce n'est pas le lieu. Si j'étais un peu plus cavalier, je noterai peut-être qu'elle a dû usé de ses talents sur vous, et que tout cela est déjà bien corrompu. Mais, étant politicien, je m'y connais en corruption, et bien qu'impulsif, vous m'avez l'air en réalité honnête.

Expression détachée, supérieure, comme si un adulte s'adressait à un enfant en tentent de le mettre à son niveau de discussion. Rien d'offensant, seulement un registre didactique un peu trop caricatural.

— À ma femme, je dirai ceci : avec mon argent, j'étais en droit de faire ce que je souhaitais. Pour répondre à l'image que tu aimes tant, ma chérie, et pour reprendre les mots de notre juge, objectivement partial, il faut noter que je t'ai entretenu comme il le fallait. Tu me fournissais un service, passable. De mon côté, le temps de ton, si je puis dire, travail, je me suis engagé à t'offrir tout ce que tu souhaitais. Des bateaux portent ton nom, tu as logé dans les hôtels les plus luxueux de la planète, et tu as vécu trente ans avec moi. Ce qui, je pense, est certainement le plus beau des cadeaux.

Bilagáana souffla un peu. Il tentait de se souvenir des tirades de son épouse, ce qui était bien difficilement notamment à cause de la vélocité des attaques à son encontre.

— Peut-être aurais-je dû te payer plus directement. Si tu le souhaites, reformulons notre mariage à la manière d'un CDD. Tu n'auras sûrement pas le droit à tes cotisations, mais je t'offre une prime de licenciement. Alors, heureuse ? Libre à toi de t'amuser avec des jeunes hommes, des mâles qui n'ont pas un physique aussi dégoutant qu'est, apparemment, le mien. Corps, qui, soit-dit en passant, a contenté ta sœur de nombreuses fois. Mais là n'est pas la question. Notez, je vous prie, votre honneur, qu'elle a fait usage de propos discriminatoires ainsi que diffamatoires. Imaginez un instant la vie avec une personne arborant constamment ce genre de propos. Je pense pouvoir aisément jouer la carte du harcèlement moral.

Nouvelle éclaircissement de la gorge, regard calme et serein vers son compagnon de cours. Reformulation.

— Je propose une mise à l'écrit de ce que je vais annoncer, je pense avoir trouvé un compromis correct. Comme énoncé précédemment, je m'engage à rentabiliser les heures perdues de madame, si, en échange, elle se contente du chat et de l'argent qu'elle recevra. Allez, soyons généreux, je lui laisse le droit de garder un de nos enfants, le plus repoussant, évidemment. Il est hors de question, cependant, qu'elle hérite d'une maison qu'elle n'a pas fait construire. Si elle veut tant que ça se loger chez moi, je veux bien lui laisser notre appartement en Inde, en espérant que les épices n'iront pas piquer son nez si raffiné. Pour le reste, à moins de pouvoir prouver que les achats ont été fait avec son compte personnel, ce qui n'est le cas que pour les affaires les plus cheap, il n'y a aucune raison qu'elle puisse prétendre à les conserver. Simple résultat d'une réflexion primaire que tout le monde devrait approuver.

PS : John, tu m'as tendu une de ces perches ! J'étais obligé de la saisir pour te taper avec ! =P

— Et bien, à tout cela, je répondrai que vous vous montrez alors bien incompétent. Puisque vous avez rendu votre décision, aussi stupide soit-elle, nous nous devons d'arrêter d'argumenter pour rien dire. Évidemment, pour cela, et je présume que nous serons d'accord avec mon ex-femme, nous ferons appel de votre jugement.

Quoique pouvait en penser Bill, il n'était plus vraiment en position de reprendre la discussion comme si de rien n'était. La phase de l'argumentaire était passée, et, bien qu'il restât encore de nombreuses choses à dire, John avait décidé de clore le débat en terminant son propre rôle. Ce qui, par ricochet, clôturait ceux des autres.

— C'est dommage, je suis sûr que nous aurions pu continuer ce petit jeu encore un moment. Mais, il fallait bien l'arrêter un jour, je présume. Excusez-moi d'avoir été aussi odieux, madame, et j'espère ne pas trop avancer sur le fait que vous vous excuserez aussi : que ce soit pour mon joli petit corps, ou pour ma présumée odeur de curry.

Il avait dit tout cela avec un sourire malicieux, son fameux étirement de lèvre qui lui donnait vaguement l'air d'un lutin, visiblement très content de lui. Le professeur se leva doucement de sa chaise, relâcha sa tension musculaire avant de faire de nouveau face au public.

— Alors, on commence par quoi ?

— Comme pour la fin du second exercice, j'aimerais beaucoup laisser la parole à nos chers élèves pour avoir leurs ressentis. En espérant, cette fois-ci, que les commentaires seront pertinents et non pas sur la plastique des professeurs, ni sur celui de notre jolie acolyte d'une scène.

Bilagáana tapa dans ses mains et se gratta la tête.

— On va vous laisser quelques minutes pour écrire une petite synthèse de ce que vous venez de voir : le but est, en quelques mots, de faire retranscrire les éléments importants à retenir qui font écho avec vos leçons intérieures, que ce soit avec moi ou John. Une fois cela fait, écrivez-nous quelques interrogations en rapport, nous nous ferons un plaisir d'y répondre.